Le 7 mai, je n’arrivais pas à croire le contenu du mail que je venais de recevoir. Ce mail m’annonçait le décès de mon grand ami Franz DJ9ZB. Entre nous nous appelions mutuellement: « my Brother ». Nos deux couples étaient très proches.
Tous les ans, lorsque nous allions à Friedrichshafen, nous nous arrêtions à Ettenheim chez Marita et Franz.
Nous évoquions nos expéditions, et nous faisions des projets d’expédition. Marita et Franz devaient venir nous voir sur l’île d’Oléron, et nous devions mettre au point notre future expédition commune.
En 2020, nous avions le projet d’aller faire un World Wide DX Contest au Qatar, où nous avions étés invités, mais la pandémie nous a fait abandonner ce projet.
Mon premier contact avec Franz remonte au 9 décembre 1980, lorsqu’il était dans l’équipe J20/A sur Abu Ail, je lui avais demandé la possibilité de le contacter en mobile, et gentiment il avait accepté. Le temps d’équiper ma voiture avec un Atlas 201X et de fixer mon antenne hulster, Je prenais la route et attendais fébrilement.
Comme promis Franz m’a rappelé, et nous avons échangé un report. Suite à mon courrier pour le remercier, nous avons commencé à nous contacter régulièrement et de là est née une profonde amitié.
Si je devais citer un de mes plus beaux et plus émouvants souvenir avec Franz, c’est celui qui se rapporte à la convention du Clipperton DX Club à Granville en 2012.
Marita et Franz devaient passer quelques jours à la maison avant d’aller à Granville. La semaine précédent leur arrivée, j’ai téléphoné à Marita pour lui demander si nous pouvions leur proposer de visiter les plages du débarquement ; questions délicate, étant donné que nous sommes tous les deux des enfants de la guerre, lui né en 1941 et moi en 1943, dans des pays qui s’affrontaient dans une guerre sans merci.
La réponse de Marita, qui parle un français parfait, a été immédiate : « C’est le plus beau cadeau que tu puisses lui faire ». Elle m’apprit que le Papa de Franz, avait été déporté par les nazis, étant contre le régime politique mis en place par ADOLF, et ce ADOLF était dit sur un ton très péjoratif. Je lui faisais savoir que de mon côté mon Papa avait été fait prisonnier et avait deux évasions à son actif, qu’il avait été gravement blessé lors de sa deuxième évasion.
Nous avons pris le chemin des plages du débarquement, et je dois dire que j’avais une certaine appréhension des moments à venir. Plage d’Omaha beach, Utah beach, cimetière américain de Colleville où reposent les corps de 9.387 soldats américains tombés lors du débarquement du 6 juin 1944.
Puis le moment que je redoutais, visite au cimetière allemand de La Cambe où ont été regroupés les corps des 21.222 soldats allemands tués et identifiés plus 207 soldats tués non identifiés, ce même 6 juin 1944.
Dès l’entrée du cimetière, Franz m’a pris par le bras et nous avons circulés, côte à côte, sans rien dire, au milieu de ces tombes, comme des frères, lui l’allemand et moi le français, l’émotion nous empêchait de formuler le moindre mot.
Puis au centre du cimetière où sont enterrés des soldats non identifiés, il m’a lâché le bras, m’a pris la main, et a formulé une phrase en allemand, comme si il s’adressait à ses compatriotes, tués à cause de la folie meurtrière d’un homme et d’un régime nazi.
Il m’a ensuite laissé la main, et m’a reprit le bras. Ensemble, nous avons été consulter le registre où figurent les noms de ces milliers de soldats. Il a retrouvé la trace d’un monsieur Langner, probablement un membre de sa famille, mais je n’ai pas osé lui demander.
Nous avons finis notre visite à la pointe du Hoc, dans le blockaus du bord extrême de la pointe du Hoc ; silencieux, il touchait les murs en béton, comme pour s’imprégner de ce passé proche et lointain à la fois.
Avant de remonter en voiture, il m’a pris dans ses bras et m’a dit , en français : « Merci, mon frère », ce à quoi je lui ai répondu, en rassemblant mes vieux souvenirs de langue allemande : « Vielen dank mein Bruder », (merci beaucoup mon Frère).
Cette journée est restée gravée à jamais dans mon esprit. Et je n’arrive toujours pas à réaliser que je ne reverrai plus jamais mon ami, mon frère.
Puis nous nous sommes rendus à la convention du Clipperton DX Club à Granville. Franz est nr 27 du Clipperton DX Club et a reçu le mérite du club en 2005.
Franz tu es un exemple pour notre communauté Radioamateur, un exemple de gentillesse, de modestie, de droiture, d’honnêteté, de fidélité dans l’amitié, de compétences.
Tu fais partie du cercle très restreint des grands Dxpéditioners qui ont été dans des endroits difficiles d’accès, qui ont travaillé dans des conditions extrêmes afin de nous permettre de contacter des lieux pratiquement inaccessibles.
Je veux associer Marita, ton épouse, qui a accepté que tu partes à l’autre bout du monde, car, sans son appuie et sa compréhension inconditionnelle, ce que tu as fait pour notre communauté n’aurait pas été possible.
Je compare notre communauté Radioamateur à une chevalerie moderne, chevalerie moderne dont tu es digne d’être un des glorieux portes étendards.
Auf wiedersehen mein Bruder.
Alain F6BFH