Projets d’expédition radioamateur vers Crozet et Grande Glorieuse

F5UFX – Sébastien

Chambéry – France, le 11 mars 2018

Sujet : projets d’expédition radioamateur vers Crozet et Grande Glorieuse.

La souveraineté de la France est reconnue sur de nombreux territoires dispersés aux quatre coins de la planète. Dans le Pacifique avec Wallis et Futuna, la Polynésie, la Nouvelle-Calédonie et Clipperton. Dans l’Atlantique avec Saint-Pierre-et-Miquelon, Saint-Martin, Saint-Barthélemy, Guadeloupe, Martinique, Guyane. Enfin dans l’océan Indien avec Mayotte, La Réunion, les îles Eparses, et les Terres Australes et Antarctiques. Pour nous, radioamateurs, ces noms évoquent souvent une part d’exotisme, d’invitation aux voyages, mais également et surtout des contacts rares et recherchés. Les territoires les plus peuplés, comme la Réunion, les îles des Antilles ou la Nouvelle Calédonie par exemple, sont caractérisés par une présence radioamateur permanente, assurant des contacts quotidiens. Pour d’autres comme Saint Barthelemy ou Wallis et Futuna, il s’agit de destinations touristiques, ne nécessitant pas d’autorisation particulière. Ces lieux sont alors régulièrement actifs à l’occasion d’activités ou d’expéditions menées par des radioamateurs de passage. Pour finir, quelques territoires nécessitent des autorisations spécifiques car leur accès est restreint, généralement pour protéger leurs écosystèmes extrêmement sensibles. Cette dernière catégorie englobe Clipperton, Europa, Juan de Nova, Tromelin, Glorieuses, Crozet, Amsterdam, Kerguelen, et la Terre Adélie. Un contact avec ces entités est donc plutôt rare et extrêmement convoité.
A l’exception de Clipperton, ces autres territoires sensibles sont administrés par la Préfecture des Terres Australes et Antarctiques Françaises. Pour les TAAF il s’agit de gérer la logistique autour de ces territoires isolés, assurer le support aux missions scientifiques et à la recherche, protéger les écosystèmes et sauvegarder la biodiversité, et enfin gérer de façon durable les ressources naturelles telle que la pêche. Tout accès aux îles nommées ci-dessus est donc soumis à une autorisation préalable.

Il serait passionnant de refaire l’historique « radioamateur » de chacune de ces îles Eparses et Australes, mais nous nous limiterons volontairement aux 20 à 30 dernières années. De par le passé, les radioamateurs ont eu la chance de pouvoir contacter régulièrement les personnels de MétéoFrance déployés sur les îles Eparses. Ceux-ci étaient alors en poste pendant plusieurs mois chaque année et étaient en charge de la maintenance des stations météos. Toutes les îles sauf Tromelin hébergeaient (et hébergent encore) des troupes militaires françaises parmi lesquelles des radioamateurs qui assuraient quelques contacts pendant leur temps libre. Du côté des Terres Australes, il s’agissait la plupart du temps des opérateurs radios des bases. Les militaires ou scientifiques en poste pendant plusieurs mois réalisaient des contacts radio en marge de leur mission principale.
Depuis les années 2000, la présence des radioamateurs quasi permanentes pendant des décennies sur l’ensemble des îles s’est estompée : automatisation des stations météos, mise en place de liaisons satellites, disparition progressive des liaisons HF, diminution des radioamateurs parmi les militaires déployés…
Afin de donner au plus grand nombre une opportunité de contacter ces territoires, plusieurs expéditions radioamateurs ont été organisées et conduites avec succès : Amsterdam (1998) et Tromelin (2000) par le Lyon DX Gang et la Gendarmerie de Bron, Europa (2003) et Glorieuses (2008) par une équipe de militaires Français pilotée par Didier F5OGL, Amsterdam (2014) par Ralph K0IR et son équipe, et enfin Tromelin (2014) puis Juan de Nova (2016) par mon équipe.
Au fil des expéditions et des années, la rareté de ces entités évolue. Les contacts les plus rares et recherchés sont à ce jour ceux avec Crozet qui se partage les premières places du classement des entités les plus recherchées avec la Corée du Nord et Bouvet.

Jamais aucune expédition dédiée n’y a été menée. Les derniers scientifiques ayant réalisé des contacts sont Florentin F4DYM-FT5WO, Nicolas F4EGX-FT1WM-FT1WK et Jean Paul F5BU-FT5WJ, mais la demande est telle que malgré leurs efforts, le besoin d’une expédition reste entier. L’île de Crozet est la plus protégée de toutes les îles françaises dans le périmètre des TAAF. Elle a toujours fait l’objet d’une attention particulière et présente un taux relativement faible d’espèces exotiques envahissantes animales ou végétales. Ceci la rend particulièrement sensible à toute nouvelle introduction. La base scientifique est relativement petite comparativement aux autres îles Australes et compte à proximité une très forte concentration d’oiseaux marins sensibles au dérangement.
Ces quelques points de contexte sont maintenant posés. Nul doute que les passionnés étaient déjà au fait de ces éléments, mais le rappel était important afin que tout le monde appréhende bien le contenu de cette communication.

Les trois dernières expéditions FT5ZM, FT4TA et FT4JA, sont celles qui sont connues des autorités actuellement en poste. Au-delà de la communauté radioamateur, leur succès a été reconnu par les TAAF. Ce point est extrêmement important sur bien des aspects et a systématiquement conditionné la validation de l’expédition suivante. L’image laissée par ces projets est unanimement très positive. Furent évalués notre professionnalisme, notre capacité à respecter les règles, et enfin notre aptitude à apporter des éléments au-delà même de l’aspect « radio ». Pour ce dernier point, nous avions collaboré avec des écoles et généré des échanges passionnants avec les élèves et leurs enseignants, communiqué massivement à travers différents médias sur les îles, leur histoire/géographie, monté de belles opérations philatéliques, mis en avant le travail et les missions des TAAF aux quatre coins du monde au travers des articles et conférences réalisées sur plusieurs continents. Nous avons également montré notre pleine capacité à mener des expéditions dans le total respect des territoires hôtes, et c’est sans doute le plus important
Forts de ces expériences et de la très bonne relation avec les TAAF, nous avons travaillé parallèlement sur deux nouvelles destinations dès notre retour de Juan de Nova : l’île de Grande Glorieuse (FT/G) et Crozet (FT/W). Rapidement, il nous a été opposé le risque de collision avec les antennes pour les populations aviaires, ainsi que la difficulté à vérifier le respect des mesures de bio-protection autour de nos projets. Ces risques faisaient partie de nos cahiers des charges lors de nos précédentes opérations et à chaque reprise, nous avions alors montré notre capacité commune à trouver des solutions adaptées, notre équipe allant souvent au-delà même des conditions imposées.
Un nouveau travail a donc été réalisé pendant plus d’un an afin de proposer de nouvelles solutions techniques, logistiques et organisationnelles pour mettre ces sujets sous contrôle. De nombreuses recherches, étayées de plusieurs notes de scientifiques experts ont écarté le risque présenté par nos modestes antennes sur les populations aviaires de ces territoires. Passionnés par nos îles depuis des décennies, nous sommes les premiers à porter une attention particulière à la protection de la faune et de la flore et il nous semble évident que nos projets soient totalement respectueux de ces territoires et de leur biodiversité.
Malgré le travail de recherche réalisé, les solutions novatrices proposées, et un dossier complet et étayé, nos demandes ont été à nouveau rejetées. Les arguments mis en avant se focalisent autour du danger représenté par nos antennes pour la population aviaire et du risque d’introduction de nouvelles espèces à l’occasion de notre débarquement. Malgré notre travail pour démontrer que ces éléments sont maitrisés et ne sont en rien opposables à nos activités, c’est le principe de précaution qui est privilégié pour l’instant. La logique reste de dire que s’il n’y a pas de projet alors il n’y a pas de risque. Malheureusement, les expéditions radioamateurs ne font pas partie des activités essentielles et prioritaires.
Nous entendons bien entendu la position des autorités en charge qui s’appuient sans aucun doute sur les expertises de leurs différents services. Espérons que les mois ou années qui viennent nous permettront, par le dialogue, de trouver des compromis et proposer de nouveaux projets sur une base gagnant-gagnant comme ce fut le cas jusqu’à maintenant.

Ce jour, la frustration est bien entendu importante tant nous avons travaillé dur sans compter nos heures. Cependant, nous saurons continuer de façon professionnelle avec nos interlocuteurs. Nous allons poursuivre nos recherches pour améliorer nos solutions et les rendre encore plus compatibles avec les contraintes imposées. Les radioamateurs ont la chance d’accompagner et participer à la vie des bases depuis plus de 60 ans. Aussi nous sommes convaincus de notre légitimité dans les Eparses et les Terres Australes, ainsi que dans la capacité des TAAF à maintenir un cadre à notre activité.
Vous êtes très nombreux à m’envoyer des emails pour demander « quand aura lieu Crozet ? », ou « quand aura lieu Glorieuses ? ». Espérons que cette communication vous aura un peu éclairé sur nos projets actuels. Mon objectif n’est pas d’ouvrir un échange. Inutile de me contacter pour me poser plus de questions ou me donner vos avis, je risque de manquer de temps pour vous répondre.
Il ne s’agit pas non plus d’une communication pour vous dire de ne pas tenter de proposer un projet alternatif aux autorités compétentes. Les chances d’avancer à ce jour sont infimes. L’administration a déjà reçu un certain nombre de dossiers plus ou moins sérieux ces dernières années, et personnellement je pense que cela a apporté de la confusion et n’a pas plaidé en notre faveur.

J’imagine que beaucoup vont être déçus de ces informations. Nous le sommes au plus haut point également. Mais nous voulons rester très positifs et surtout satisfaits des projets menés vers Tromelin et Juan de Nova. Nous sommes conscients du privilège que nous avons eu. Le travail réalisé avec les différents services des TAAF jusqu’à ce jour fut passionnant. Nous avons rencontré des personnes passionnées par leurs missions et c’est avec un grand plaisir que nous travaillerons peut-être à nouveau avec eux dans le futur ; c’est notre vœu le plus cher.
Pour le moment, le temps est à la patience…

73’s Seb -F5UFX

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